Lors d'une interview de Didier
Eymin, et malgré tout ce que l'on peut apprendre en discutant
avec lui, il est difficile de rester au sol quand
les conditions
sont bonnes et le matériel disponible.
Texte
et Photos: Eric Ripoll
Publication presse : 01/2001
Dans la petite boutique qui borde l'atterrissage parapente de
Lumbin, parmi les machines présentées, le choix se porte sur le
Saturne Hirth F36. Le modèle essayé est équipé d'une hélice
de 1,23 m, pour une cage de 1,35 m de diamètre. Un appareil qui
convient à un poids de pilote moyen. Les costauds et les poids
plumes sont toujours un peu lésés, comme dans le prêt-à-porter
: c'est promis, vous aurez bientôt des essais de moteurs
puissants, et à l'opposé, de matériels légers. Dans le cas précis
de ce fabricant, la standardisation des matériels est un bon
point. Les deux modèles de châssis et de cage sont en effet les
mêmes pour toutes les types de motorisations.
Au sol :
Le Saturne est typiquement un appareil qui mise sur autre chose
que son design pour attirer l'acheteur potentiel. Sellette simple
non équipée pour un parachute de secours (ni même pour un accélérateur
d'aile), cage et crosses sans aucune peinture, pas de pièce moulée,
poignée de gaz en simple tube, aucun témoin lumineux… Les
commandes ou "instruments" se limitent à la poignée de
gaz, le coupe-contact, l'interrupteur du démarreur et celui du
circuit de la batterie. Et encore, sur son appareil personnel,
Didier a remplacé ce dernier par un "sucre", pour
supprimer une cause de panne possible !
Mais ce sont d'autres points précis qui m'intéressent quand
j'approche de l'engin, avec la circonspection du chat qui découvre
une grenouille. Pour moi, le principal risque du paramoteur, c'est
le démarrage, et j'aborde toujours une machine en la considérant
comme une arme chargée. Batterie débranchée, le châssis est
devant moi sans ses demi-cages latérales. Je constate un certain
nombre de points, autrement plus importants à mes yeux que l'esthétique
:
-
Le châssis est stable au sol, même sans la cage.
C'est une bonne chose pour le montage de l'ensemble, et la durée
de vie de l'hélice lors des manipulations.
-
Un étrier est intégré dans son assise, qui permet
de limiter encore le balan lors du démarrage au lanceur.
-
Simplissime, la sellette spécifique (faite par
Sup'Air) est toutefois équipée en standard de boucles
automatiques. Son assise est à 20 cm du sol (le matériel tape
avant les vertèbres en cas d'impact). Les sangles de sécurité
qui relient les élévateurs à la sellette font partie intégrante
de celle-ci. C'est un maillon de moins dans la chaîne qui relie
le pilote à son aile (en cas de rupture de crosse), et une pièce
non démontable s'oublie moins facilement.
-
Les demi-cages sont fixées fermement et rapidement
sur le châssis, par tige, rail de maintien et crochet. Et entre
elles (en haut et en bas) par cliquet à bille. Le cercle interne,
d'un diamètre plus réduit, assure un passage aisé des suspentes
au gonflage.
-
Le filet, tendu et à mailles étroites nouées,
offre une réelle protection.
-
Les "pointes" des cannes, bien orientées,
ne sont pas un danger pour le pilote en cas de posé à plat
ventre.
On note également
que la poire d'amorçage semble accessible, et qu'il n'y a aucune
mousse dorsale. Nous verrons ces deux points en vol.
Le châssis est en
alu (AG3 57/54) en 2 mm d'épaisseur, la cage en 1,5 mm, les
rayons en alu également, mais pleins (Ø 10 mm). Les soudures
sont au TIG sous argon, après découpe des tubes en gueule de
loup. Les crosses sont montées sur un tube carré en AUG4, et
assurées par une goupille. L'ensemble respire la rigidité et le
démontage facile.
Le moteur est un
Hirth F36, très proche du Solo plus répandu, de même cylindrée
et d'une puissance annoncée par le fabricant de 15 Cv, pour un régime
maxi de 6.600 tr/mn. Le carburateur est un Mikuni avec un filtre
à air KN. Le pot est tellement standard qu'on le trouve sur la
moitié des machines du marché. Interrogé sur la question,
Didier ne s'avoue pas très "branché" par les pots
accordés. Une option décompresseur manuel est possible. La
batterie du démarreur est une 12 volts 5 ampères, positionnée
sous le réservoir. Celui-ci fait 7,5 litres, ou 8,5 en option.
Certains détails sont bien pensés: le réducteur (d'un rapport
2,5) est en appui sur le cylindre, et ne travaille donc pas en
flexion sous la poussée de l'hélice. De même, la longue tige
sous le moteur permet un positionnement en L des silentblocs. La
poignée de gaz est réversible (gauche ou droite) par simple
rotation de la sangle.
Dernier point important, il n'y a aucun système prévu pour
contrer le couple moteur ! D'après le constructeur, la souplesse
du montage du moteur sur ses silentblocs est suffisante. Après
bientôt douze ans de vol sous les machines les plus différentes,
avec des systèmes aussi variés que la répartition des masses,
les crosses asymétriques, le croisillon en sangle, la turbine, la
dérive, le décentrage du moteur, les points d'ancrage différents,
ou les afficheurs d'aile… je me suis fait une philosophie: je
constate. En attendant les hélices contrarotatives, l'utilisation
du champ magnétique terrestre, ou des forces de Coriolis !
Sur le dos :
Constatons donc comment on lève l'engin. A l'ancienne, en bascule
sur le châssis, ça marche, grâce à la sellette surélevée.
Les crosses aident bien au relevage, puisqu'on peut appuyer dessus
avec les mains pour faire levier. Monter le moteur à partir d'une
position sur un genou (ou à quatre pattes) est facile également,
grâce au moteur positionné tête en haut. Pour ces raisons, le
portage est agréable (sur quelques centaines de mètres), avec la
charge haut placée qui ne tire pas l'ensemble vers le bas, les
mains qui participent à l'effort, et la bonne tenue des épaules
du pilote dans la sellette. La repose de l'appareil au sol se fait
sans précaution particulière. Pour ma taille, la jambe passant
facilement sous la sellette, le talon touche la fesse simultanément
avec le contact de la cage avec le sol.
Au démarrage :
La batterie étant trop faible, je découvre
un défaut : le starter n'est actionnable qu'en direct sur le
carbu, sans position fixe. Il n'est donc pas question de s'en
servir avec le lanceur. Et avec le démarreur, on ne peut s'en
servir que face au moteur. Dommage de perdre ainsi la principale sécurité
du démarreur électrique : la possibilité de démarrer moteur
dans le dos. Mais, par ailleurs, un starter qu'on a oublié
d'enlever peut créer des ennuis… et la plupart des paramoteurs
en sont totalement dépourvus !
En vol !
L'aile utilisée pour cet essai est une Effect de Pro-Design. Sans
que celle-ci ne soit en cause, les conditions bizarres du décollage,
encadré de petits thermiques secs et de champs de maïs, ne
facilitent pas les choses au gonflage. Cela permet toutefois de
constater deux choses. Tout d'abord, que rien n'accroche au
passage des suspentes près de la cage. Ensuite que le plan d'hélice
du Saturne ne sera pas une préoccupation majeure de ses
utilisateurs. Les cannes bien pensées, et la géométrie de
l'ensemble, mettent le moteur dans la bonne position au gonflage.
Ce qui autorise le pilote à se concentrer sur le positionnement
de l'aile, sans avoir à se rappeler au dernier moment qu'il faut
relever les épaules. Sur ce type de construction, la position du
dos du pilote est moins déterminante.
La poussée ne me surprend pas, ni en bien,
ni en mal. Sauf à un comparatif au banc, je serais bien en peine
de départager Hirth et Solo, carbu Walbro ou Mikuni. Ce qui me
frappe plus, c'est un effet moteur dérisoire à la mise de gaz.
Le coup de la souplesse des silentblocs a l'air de fonctionner. Et
surtout la liberté du pilote dans son "poste de
pilotage", surprenant pour une conception aussi classique.
L'efficacité du transfert de poids est tout à fait similaire à
un accrochage sellette, ou mixte (cannes + sangles). Et je me suis
fait bien plaisir, sous une aile que je ne connaissais pas, à
titiller les départs de thermiques peu cohérents, au raz des maïs.
Et je te passe une cuisse sur l'autre, j'essaie de centrer la
bulle, loupé ! Filet de gaz, changement de cuisse, 270 °, à la
recherche de l'ascendance perdue… Une petite prise d'altitude
pour aller zoner sous les falaises de Saint Hilaire me permet de vérifier
deux points constatés lors de la visite prévol. La poire d'amorçage
(qu'il peut être utile d'actionner pour étouffer le moteur en
cas de panne de coupe-circuit) est inaccessible en vol. En
revanche, l'appui dorsal n'est pas inconfortable comme je le
craignais (en l'absence de mousse) de part la position très
droite du dos. C'est, par ailleurs, un point facile à modifier en
fonction des goûts de chacun, en particulier pour les vols de durée.
A l'atterrissage, le coupe-circuit est bien
accessible. Un peu trop peut-être, et le tunnel de protection mériterait
d'être un peu décalé sur l'arrière.
CONCLUSION : Un matériel rustique,
sans réelle innovation ni recherche esthétique. Un appareil
stable par ses accroches plutôt hautes et rigides, mais acceptant
un pilotage par transfert de poids. Artisanal dans sa production
et sa distribution, le Saturne est, dans son genre, une forme
d'aboutissement du paramoteur classique, tel que l'avaient pensé
les premiers pratiquants. L'absence de concession à toute forme
de mode est largement compensée par des choix techniques qui le
rende pratique et simple d'utilisation.
Prix du modèle essayé: 28.400 F (4.330
Euros) avec démarreur électrique.
Les autres motorisations utilisées par AIR
et AVENTURE sont le Zanzoterra Z 34 (décompresseur manuel en
option), et le JPX D 320. Pour chacun d'entre eux, comme pour le
Hirth, il existe deux versions : hélice de 1,10 m (avec cage de
1,20 m) et hélice de 1,23 m (avec cage de 1,35 m). Pour ces deux
motorisations, il est prévu, en option, un réservoir en alu soudé
de 13 litres, pour un poids de 600 g, et un prix de 1.300 F (198,2
€).